UNE HIRONDELLE NE FAIT PAS LE PRINTEMPS.
« L’homme avance dans la vie par zigzag » (Jean-Jacques Rousseau).
Rien n’est plus insupportable que le constat de la froideur de ceux qui, ayant connu des « déboires » dans le cadre de choix adoptés par eux et assumés avec zèle, se retournent, quand le vent tourne, contre ceux qui leur ont permis de parvenir à ce qui constituait pour eux une fin en soi. C’est le prototype de l’Algérien façonné par un système qu’il a cru être perpétuel. Cette attitude resterait toutefois acceptable si, une fois le « divorce » consommé, il ne se servait pas, de surcroît, éhontément et effrontément d’un tiers – alibi, propulsé au-devant de la scène par ses seules compétences et en absence de toute obédience à qui que ce soit, pour mordre, cyniquement, la main dont il a pleinement joui de la magnanimité.
L’exemple – type de ce qui précède nous est servi dans la chronique de Monsieur Hafid Derradji, parue le 30 juin 2014 à 11 h 05 min sur TSA et ayant pour titre « Partez Monsieur Halilhodžić ! » (copie çi joint en annexe) Nous y trouvons un souci du détail tellement poussé au point où le chroniqueur va jusqu’à mentionner le nom de celui qui a été, jusqu’à ce jour, le coach de l’Équipe Nationale de football dans son orthographe (comme il apparaît ci-avant) originale, c’est-à-dire serbo-croate.
C’est autant dire, de prime abord, que sa sympathie lui est acquise et, ainsi, le parti-pris est derechef manifesté. Est-ce purement sportif ? Ou est-ce un règlement de compte, par sujet interposé qui n’a rien à voir avec l’itinéraire de Monsieur Derradji, comme nous l’avons laissé entendre au début du premier paragraphe ? Toutefois, là n’est pas l’essentiel de mon propos au sujet de cet article que je trouve, au demeurant, d’une rare lucidité et qui traduit remarquablement les ressentiments de tout un peuple envers ceux qui s’honorent d’être les seules mailles des destinées du pays.
L’esprit du chef qui a toujours raison et pour qui nulle vérité en dehors de la sienne n’a prévalu dans la chronique. Il a surtout souligné l’instabilité et la médiocrité dans lesquelles se meut le football algérien et, peut-être, même tout le sport. Et c’est en ce sens que Monsieur Derradji se devait de faire amende honorable et pour cause ! Il a très longtemps fait partie du système du « Tout va bien, Madame la Marquise ». Il a même été Directeur des programmes, un poste on ne peut plus politique. De là, à conclure que son commentaire est fait par dépit, on ne peut pas ne pas y penser. Cela est de toute évidence.
Aussi, pour ne pas ajouter de la confusion à la confusion, je vous propose de lire sa chronique – pour laquelle toutes les indications ont été données plus haut – dans son intégralité. Je suis convaincu que son analyse – que je partage dans la forme et non dans l’esprit – est sincère et qu’elle aurait pu l’être encore plus en exigeant des instances actuelles du football un bilan comptable et financier rigoureux. Les résultats du Mondial ne peuvent pas être mis à leur crédit, isolés d’un ensemble plutôt négatif de leur bilan.
Qu’ils ne se trompent pas : la composante de l’Équipe au Brésil n’est certainement pas pour plaider en leur faveur, même si elle a procuré de la joie à tout un peuple et contribué largement à rehausser le prestige de notre pays gravement entamé.
La gestion rationnelle de notre football attendra des jours meilleurs, les tremplins ne bénéficieront qu’aux opportunistes accrédités pour ce faire et leur liste d’attente est longue.
Pour voir de l’espoir, dans ce monde – ci, il faut avoir une excellente acuité, ce que je n’ai pas : la médiocrité le dispute trop à l’opportunisme. Le travail de Halilhodžić a ses limites. Il ne concerne que la gestion d’un groupe qu’il a su constituer, ce n’est pas pour autant que le football algérien ait progressé dans la mesure où il n’est pas l’émanation d’une politique structurée de la base. Mon admiration va, en revanche, pour le Japon, les USA ou la Corée qui, à partir de rien, ont su mettre en place une politique de formation, laquelle politique, en peu de temps, les a hissés au niveau du gotha mondial de la discipline. Voila des références qu’il faut méditer, l’hirondelle ne faisant pas, à elle seule, un printemps.
De cette chronique, il se dégage nettement, et sans le moindre doute, que Monsieur Derradji profite de l’enthousiasme créé par notre onze national pour instiller son fiel à l’égard d’un monde politique qui n’a pas dû le suivre dans une ambition qui lui aurait paru légitime. Ceci circonscrit son intervention à une vengeance maladroite d’autant qu’il insiste à recommander au coach de partir comme il a eu à le faire en se mettant au service d’El – Djazira, tout en sachant que son élu du jour est arrivé au terme de son contrat et qu’il n’avait aucune intention de le prolonger. C’est ce que l’on pouvait attendre d’un aspirant – embusqué – au pouvoir, déçu et aigri par les aléas de la politique, l’idylle heureuse de l’équipe.
La chronique de Hafid Derradji : Partez Monsieur Halilhodžić !
Actualité – le 30 juin 2014 à 11 h 05 min – Hafid Derradji.
Le titre peut sembler étrange et choquer ceux qui vont lire cet appel au coach qui a mené l’Équipe nationale au deuxième tour du Mondial.
Je vous demande de partir sans regarder derrière vous, car nous vivons une époque où on ne distingue plus entre le succès et l’échec. Une époque où les ennemis de la réussite se sont unis pour détruire tout ce qui est beau dans ce pays. Au lieu d’investir dans les succès et d’en tirer profit, en valorisant l’effort fourni par tous pendant trois années pour construire une équipe qui nous honore et qui prédit un avenir brillant.
Il est vrai que le mérite ne revient pas à l’homme seul. En effet, Halilhodžić n’aurait rien pu faire si tous les facteurs n’étaient pas réunis pour réaliser ce succès.
Cependant, je lui demande de partir pour ne pas réaliser d’autres exploits qui vont encore lever le voile sur nos lacunes, nos faiblesses et notre incapacité à sortir de la médiocrité, dont souffre le football algérien en raison de la déficience de ses cadres, de ses gestionnaires et de certains médias du foot. Mais aussi en raison de la culture de la haine et des règlements de comptes qui règnent dans le milieu footballistique en Algérie.
Je vous invite à partir parce que vous avez réussi à réaliser le rêve entretenu depuis l’indépendance. Celui de se qualifier pour les huitièmes de finale de la Coupe du monde de football et de construire le projet d’une équipe respectable. Une équipe qui réalise des exploits, qui nous régale et qui possède un grand esprit de jeu, jamais égalé chez nous.
Malheureusement, cette situation embête les pseudos-experts et théoriciens du ballon rond. Ces derniers ont pourtant été incapables d’offrir à l’Équipe nationale des joueurs internationaux. Ils ne trouvent pas de clubs à entrainer. Mais ils refusent d’admettre que l’actuel sélectionneur a su faire la différence, malgré sa folie et ses défauts.
Partez Halilhodžić, car les forces du mal et les ennemis de la réussite refusent de se débarrasser de leur égocentrisme. Ils ne veulent pas que l’Algérie se réjouisse et que l’Équipe nationale réalise des exploits avec vous. Ils veulent que nous continuions à vivre dans l’illusion et le passé malheureux dont on ne peut se débarrasser, croyant que nul ne peut mieux faire.
Partez, parce que vous n’avez pas échoué ni baissé les bras, et que vous n’avez pas écouté toutes les mesquineries lancées contre vous durant les trois dernières années. Partez, parce que certains de vos collègues entraîneurs ne vous ont pas respecté, ni respecté l’éthique du travail. Personne n’a daigné vous soutenir durant les moments difficiles et aucun d’entre eux n’a dit du bien à votre sujet au jour d’aujourd’hui. Ni reconnu que vous avez contribué à la réalisation de l’exploit de l’équipe algérienne.
Partez Halilhodžić, parce que nous n’apprécions pas l’effort des hommes, leur dévouement et leur loyauté. Partez, car chez nous, certains sont convaincus que le nationalisme et l’efficacité se mesurent par rapport à des paroles creuses pour manipuler les sentiments des masses et non pas par le travail et l’effort au quotidien.
Il est vrai que l’homme est unique dans son caractère et ses relations avec les gens qui l’entourent. En revanche, nul ne peut dire qu’il a échoué ou nier qu’il a marqué l’équipe nationale algérienne, ou bien qu’il n’a aucun mérite sur la performance des joueurs et sur les résultats historiques qu’ils ont déjà enregistrés lors du Mondial au Brésil.
Je vous invite à partir malgré l’amour et le respect que vous montre le public algérien. Un public qui n’a jamais autant apprécié et respecté un entraineur. Un public qui n’oubliera jamais la joie que vous lui avez offerte le soir du 26 juin lorsque vous avez mené l’équipe de son pays vers le deuxième tour de la Coupe du monde de façon digne et bien méritée.
Nous sommes une nation qui sous-estime l’effort. Une nation où les paresseux aiment à tirer profit des fruits cueillis par les efforts des autres. Une nation où seuls les beaux parleurs trouvent leur bonheur en manipulant et en profitant des efforts de ceux qui bataillent pour réussir.
Partez Halilhodžić… Ce pays ne tolère plus le succès, partez parce que vous êtes un symbole de réussite unique « comme votre prénom » dans un milieu corrompu, mauvais, malveillant et sous-développé.
Par Abdelhamid ABDEDDAÏM.