Aujourd’hui le cas que nous allons traiter ne relève pas de ce cas de figure mais d’un trafic de voiture de haute gamme avec des ramifications à l’international et une complicité prouvée de certains agents indélicats au sein même des administrations Algériennes, les révélations qui nous ont été faites émanent d’un chef de bande qui opérait à partir de l’Algérie et qui après quelques années de « service » a choisi de se repentir et de se lancer dans une activité tout ce qu’il y a de légale, aujourd’hui marié et père de deux enfants il mène une vie stable et heureuse entouré des siens avec l’amertume d’avoir perdu trop de temps dans le banditisme qui a failli l’emporter suite à une course poursuite des l’IGF (gardes des frontières) lors d’une tentative avortée d’acheminement d’une voiture volée à partir des frontières marocaines.
Khaled, la trentaine largement dépassée avec un physique frêle et un regard vif, a bien volontiers accepté de nous rencontrer et de nous révéler des secrets de « métier »avec des faits réels seuls les noms et les lieux seront fictifs pour protéger son anonymat.
Il nous dira qu’il a commencé à l’âge de 22 ans, par des « petits boulots » dans la contrebande de l’essence et du mazout à la frontière Algéro-marocaine, son rôle était d’aller faire la chaine autant de fois que possible devant les stations de service pour faire le plein de mazout (200l) et le ramener à son patron en contre partie d’une somme d’argent, autrement dit son salaire mensuel était lié étroitement à son activisme, plus il faisait des pleins de mazout plus ses salaires seront conséquents, mais sa vie prit une autre tournure trois ans plus tard à la rencontre de Yacine, un homme d’âge mur, d’un certain niveau intellectuel chef d’une bande spécialisée dans le trafic de voiture haut de gamme, il lui proposa d’intégrer son groupe comme convoyeur pour un salaire plus intéressant, quelques temps plus tard il exécuta sa première mission, conduire de nuit une BMW haut de gamme à destination d’Oran, ce manège durera 1 an environ, suite duquel son statut a changé par un concours de circonstances et se verra propulsé à la tête du groupe, son mode de vie changea car il sera chargé de chapeauter l’opération du réseau depuis l’Europe et jusqu’à la destination finale qu’est la vente du véhicule volé avec des vrais-faux documents à son acquéreur, une mission très délicate qui nécessite vigilance, savoir-faire et des complicités qu’ils faut bâtir et maintenir monnayant de fortes sommes d’argent.
Au bout de quelques semaines, Khaled arriva à se familiariser avec tous les éléments de son réseau en Europe et à l’intérieur du pays, il nous dira que les voitures volées en Europe essentiellement en France, Belgique, Allemagne et l’Italie sont de grande marque et de luxe, le réseau se chargera soit de les voler, soit de les acheter directement de chez les voleurs soit de chez leurs propriétaires désireux de s’en débarrasser à des prix très attractifs pour qu’ils puisse au bout de 4 à 5 jours aller déclarer le faux vole et récupérer la totalité du prix du véhicule auprès de leur organisme d’assurance, c’est le coup d’assurance.
Ces véhicules seront ensuite vite acheminés vers l’Algérie avec de faux documents y compris les fausses cartes consulaires, le plus souvent via les frontières terrestres à l’aide de passeurs rodés à la chose, une fois réceptionnés à l’intérieur des frontières, des faux dossiers seront établis par des faussaires très qualifiés avec un matériel sophistiqué, ensuite avec la complicité d’agents d’état civil et de daïra le dossier sera paraphé puis déposé au niveau des services concernés pour récupérer une carte grise officielle cette opération se nomme ghrisse), et tout ce beau monde sera bien sur rémunéré chacun en fonction de l’importance du « service rendu », actuellement à titre d’exemple le prix pour le réseau des faussaires pour une voiture de luxe avoisine 25 millions de centimes.
Cependant pour pouvoir vendre la voiture sur le marché local sans soupçon et afin d’effacer les traces de ces falsifications, généralement les trafiquants vont immatriculer le véhicule dans une autre Wilaya (Alger, Oran, Sétif, Annaba ou Constantine) et comme les agents des administrations ne sont ni formés pour détecter les faux papiers ni munis d’appareils nécessaires à un tel besoin, les choses se déroulent le plus normalement du monde.
Il faut dire que ce mode opératoire visant l’établissement de vrais-faux papiers pour des véhicules volés à l’étranger et vendus sur le marché local, a encore de beaux jours devant lui vu le bénéfice engrangé (60 millions de centimes pour 1 véhicule haut de gamme), mais surtout à cause d’une administration affaiblie par l’archaïsme de ses moyens, la bureaucratie dans ses procédures et l’avidité de certains de ses agents pour le gain facile.
Karim. F