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Pourquoi une histoire locale après l’indépendance nationale ?

marchedegros

 Remarquons tout d’abord que Sidi-Bel-Abbès, durant la colonisation a déjà eu ses chroniqueurs. En l’occurrence, dès 1880, Léon BASTIDE, colon-maire et chercheur, connaissant parfaitement toute la région, a publié une histoire de Bel-Abbès et son arrondissement. A cette époque, il vit et croit au triomphe de la colonisation dans la plaine de la Mekerra et dans toute la colonie. Déterminé par sa position, il ne pouvait se situer dans la longue durée et encore moins se mettre à la place des arabes. Son point de vue et sa projection sont ceux des colons qui, en outre, avaient besoin de justifier leurs spoliations et exploitations en créant des « mythes fondateurs »

Vint ensuite, Léon ADOUE qui publia à son tour en 1927, un ouvrage intitulé la ville de Sidi-Bel-Abbès, histoires, légendes et anecdotes. La ville est duelle depuis longtemps mais l’auteur, issu de la colonisation et proche des potentats locaux, ne « voit » qu’une seule. Celle des arabes comme les arabes eux-mêmes, ne sont que des objets de l’histoire. Pouvaient-ils en être autrement ?

Ces mêmes chroniqueurs qui sont aussi des ex-coloniaux  ont tenu, de nous faire admettre que la ville de Sidi Bel Abbés a été créée sur une terre vierge, et que le territoire était quasiment inhabité.

Mais  quand on remonte dans  l’antiquité, on constatera que le territoire qui fut jadis le territoire  de la Mekerra, a toujours été habité.

Déjà ces mêmes chroniqueurs avouent que la première expédition importante sur le territoire des Béni-Ameurs remonte à l’année 1835 et fut conduite par le maréchal Clauzel en personne. N’est ce pas une reconnaissance d’une présence  humaine ? Tout bonnement cette région était le territoire des Béni-Ameurs  avant qu’elle ne soit région de sidi bel abbes.

Jusqu’à preuve du contraire, rien ne prouve que cette région porté le nom de sidi bel abbes après le mort du saint Marabout, a savoir en 1780 car ils sont nombreux les noms des localités qui commencent par Sidi : suivis de nom du Saint  personnage, dont le tombeau protège la petite agglomération qui s’est formée à son voisinage. C’est une manifestation du Maraboutisme ou culte des saints Musulmans très répandue dans le Maghreb et dont le colon a bien su en profiter pour protéger ses biens, qu’il a mal acquis.

N’est-il pas temps alors, 51 années après l’indépendance, sept ans et demie d’une atroce guerre de libération et ajoutons à cela une décennie noire  que ces historiens algériens  prennent la plume pour écrire à leur tour et manière, une Histoire de Sidi Bel Abbès et de sa région, de la colonisation à la guerre de libération, en zone 5, wilaya V. ? Dans ce cas, il y a continuité, dépassement et rupture par la conception et la vision et surtout, une connaissance plus intime de la région, des évènements vécus et des indigènes, redevenus sujets de leur histoire.

Mais l’historien est aussi un accoucheur et un agitateur de conscience. Or, celle-ci n’est pas innée mais un acquis continuel tout le long de l’existence humaine. Le nourrisson commence par reconnaître le sein de sa mère, puis son propre corps, ensuite son milieu familial et enfin, son environnement social. Ce n’est qu’ensuite, au fur et à mesure de ces connaissances acquises, qu’il s’élève à la conscience nationale avant d’atteindre l’Humain et l’Universel. Il en est de même de la conscience historique qui y contribue. L’enfant, tel un arbre, a donc besoin des radicelles qui font la force de ses racines profondes, celles qui l’ancrent solidement dans le sol ancestral. Dans le même ordre d’idées, la géographie et l’histoire locales devraient être enseignées dès l’école primaire ou fondamentale.

La nouvelle génération bel-abbésienne, comme celle de toutes les régions d’Algérie, a donc besoin d’une telle Histoire, pour mieux connaître celle de son pays et construire son avenir. Il est donc impérieux de lui transmettre un tel message avec le flambeau. Il est utile qu’elle réalise, en connaissance de cause, que son présent et son avenir sont faits aussi d’un passé glorieux et douloureux, que des centaines de milliers d’algériens ont sacrifié réellement leur jeunesse et leur vie pour ce drapeau algérien qui semble flotter « naturellement » sur la mairie de leur ville.

Aussi, plusieurs histoires zonales analogues sont-elles nécessaires pour une écriture, la plus honnête possible, de notre Guerre de libération nationale.

Mohamed Boudjekdji

 

 

 

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