« Détruire c’est plus aisé, car exécuté dans l’ignorance. »
« Une copie habile est préférable à un génie malfaisant. »
Vue (passée) du jardin public
On dit souvent que les mauvaises habitudes ont la vie longue. Si l’on y ajoute la ténacité avec laquelle elles s’incrustent particulièrement dans notre ville quoique ce vocable nous paraisse vidé de sa substance et dépouillé des substrats qui le sous-tendent, nous sommes désorientés face à cette frénésie meurtrière qui s’abat sur notre ville telle une malédiction ceci d’autant plus que les gestionnaires qui sont payés et quelque peu sensés pour y veiller sont le point de départ et la finalité qui ne manquera pas de décider aux amoureux de cette ville sa désertion pour se retrouver, tels des lépreux, dans quelque abri qui les soustraira à la vue de l’irréparable qu’ils voient venir à grandes enjambées.
Le Lac de Sidi M’Hamed Benali étant dans une désespérante agonie et loin de focaliser sur lui les attentions et les soins de ceux qui ont pour charge d’y veiller, voila que l’on s’attelle à vouloir transposer les mêmes erreurs, dans la plus stoïque des sérénités, au jardin public de la ville dont l’aspect soulève peine, chagrin et désespérance devant la laideur qui l’a envahi le mettant de facto dans un état lamentable.
Des stratèges aux têtes sûrement bien faîtes que bien pleines n’en finissent pas de lui inventer des vocations rocambolesques telles qu’un marché hebdomadaire ornithologique ou l’organisation de festivals et autres foires commerciales, et les appétits mesquins de certains, croissant en fonction du carré ou du cube du temps, tels des rapaces sont là pour s’y jeter dussent-ils le laisser dans une similitude totale avec le paysage dantesque suite au martyre de Guernica : déshérence totale.
Il ne serait pas inutile de rappeler qu’un jardin public est destiné à la nature et aux plantes et, accessoirement, aux animaux en cage, à des parcours sportifs ou à des jeux pour enfants et ce dans un cadre horaire préalablement réfléchi et arrêté. En revanche, la construction de cafétérias ou autres bâtiments de restauration n’est que le privilège du béton dont le jardin n’en a cure. Pourtant notre ville n’a pas à s’enorgueillir de la concentration qu’elle recèle en fast-food, pizzerias, restaurants, cafés et la prolifération tentaculaire des services de karantita qui enlaidissent la ville quand ils ne constituent pas l’aune à laquelle on jauge « le niveau » de nos citoyens mais ça c’est une autre affaire.
Les erreurs du Lac doivent nous inciter à plus de tempérance. Le laisser-aller, depuis des décennies, a fait de notre parc une pinède dégarnie, sans tissus végétal, presqu’un désert et on souhaite encore introduire du béton avec le concours d’un bureau d’études local qui n’a aucune référence en la matière. Le Jardin n’a besoin que d’une réhabilitation à l’identique telle que la colonisation l’avait conçue avec les essences et les fleurs qui existaient. Pour ce faire, elle a confié l’exécution à deux militaires. Est-il nécessaire de rappeler que l’outillage moderne, les moyens de manutention, les divers produits qui concourent à la rapidité des résultats leur étaient totalement inconnus ?
A part le Jardin d’Essai d’Alger – et encore ! – y a-t-il une référence sur laquelle on puisse s’appuyer pour prendre exemple ? Partout, en Algérie, ce n’est que désert et désolation auxquels on assiste, la Nature et l’Écologie sont des préoccupations non encore ancrées dans l’esprit de nos « élus » qui préfèrent le carrelage à l’entretien de la flore qui est même dépréciée de son naturel par manque d’irrigation ordonnée, programmée, utile et surtout régulière.
Mais le comble c’est le désir de vouloir réaliser l’éclairage généralisé dans une enceinte qui ne demande qu’à en être préservée pour un besoin naturel de la flore et de la photosynthèse qui en est sa raison. Nous vous implorons de surseoir à toutes opérations avant l’établissement d’un cahier des charges qui donne une configuration générale des vœux d’une population en attente de retrouver son jardin tel que conté par leurs parents et même en souvenir d’une légendaire bataille ayant eu lieu en 1959 contre les forces coloniales. Les amis du Jardin public et les associations à vocation écologique ne peuvent plus se défausser sur quoi que ce soit. Plus rien ne leur sera épargné, ils seront tenus de réagir.
Quand cesseront ces épreuves de difficultés inutiles et de souffrances éprouvantes auxquelles les citoyens de Sidi-Bel-Abbès sont soumis à leur corps défendant ? C’est malheureusement un calvaire qui se prolonge ; nous pensions avoir pris notre plein de contrariétés avec l’ancien administrateur en chef de la Wilaya ou bien sont-ce les restes de programmes non consommés ? Dans ce cas on pourrait les réaménager plus intelligemment. La nature n’est belle que dans son naturel cependant que l’homme est élégant dans le soin qu’il porte à sa mise. Il y a des jardins qui font partie des sept merveilles de l’humanité et tout le monde sait qu’il s’agit « des jardins suspendus de Babylone. » Il y a ceux auxquels se réfèrent des Écoles : jardins à la Française, à l’Anglaise ou à la Japonaise tous avec leurs touches propres. Ils traduisent avant tout une Culture que l’on ne peut dissocier de leurs civilisations avec leurs consistances littéraire, poétique et historique. A défaut du choix d’une École avec sa rigueur, contentons-nous de rester dans le naturel sans l’encombrer d’une vision non mesurée.
Le Jardin a besoin de personnels qualifiés pour être embelli continuellement au gré des saisons et servir à la conservation de la biodiversité dans une démarche réfléchie. Des paysagistes, des horticulteurs sont nécessaires pour ce faire. On ne peut se contenter de ces emplois à tout faire. Discipliner la nature mérite une attention à toute épreuve et, surtout, une volonté d’inscrire l’opération dans la continuité, consommer des crédits pour répondre à des exigences administratives n’est sûrement pas le meilleur moyen d’honorer une œuvre où le rêve prend une large place pour fuir un quotidien fait de labeurs et de soucis propres à la nature humaine.
Nous signalons à toutes fins utiles que des logements d’astreinte sont toujours habités par des indus-occupants au détriment du Jardin qui, plus que jamais, nécessite une veille de tous les instants, le populisme n’a que faire de l’état d’âme de quiconque.
Dans un jardin, nature, environnement, faune et flore doivent s’y retrouver. C’est dire Ô combien le béton n’a pas sa place à l’exception des locaux nécessaires à la conservation de la biodiversité.
Rien n’arrive jamais sans cause et le manque de soin fait plus de mal que le manque de science, notre souhait demeurant quand même de les voir associés mais cela relève, malheureusement d’un autre discours.
Le nombre de personnels et la qualité de leur encadrement sont d’autres critères d’appréciation de la tâche qui reste à accomplir et ce n’est certainement pas la dissémination des bâtiments en dur qui sublimera des lieux où la nature devrait être la seule Reine à admirer.
A Paris, le Parc Monceau, jardin d’agrément, le parc Montsouris, jardin à l’anglaise et le jardin privé du Luxembourg, dépendances du Sénat sont des modèles d’organisation et de gestion. Toujours est-il que les heures d’ouverture sont strictement réglementées alors que de nuit, comme pour tous les jardins et parcs, les visites sont strictement interdites à l’exception des visites guidées, rarement programmées.
Nous pouvons citer d’autres jardins ou parcs dans d’autres pays : les mêmes dispositions régissent leur usage. Sidi-Bel-Abbès ne saurait innover. Elle n’a ni les moyens ni les compétences pour ce faire. Vous pouvez vous balader à loisir dans les sites, à travers le Net. Vous en seriez sûrement rassasiés mais toujours est-il que vous profiteriez uniquement à la lumière du jour.
Par ABDEDDAÏM Abdelhamid.