10 novembre 2024

La biodiversité en Algérie, entre réalité et absence de stratégie

La journée mondiale de la biodiversité célébrée prématurément le 22 mai à la bibliothèque Cheikh El Kabati de Sidi Bel Abbes a eu pour thème lors d’une conférence donnée par le Mr Benabdeli
« De quelle biodiversité parlons-nous ! »
La biodiversité est devenue depuis les années 1990, une notion incontournable de l’écologie et de la protection de l’environnement. L’engouement général des scientifiques et des institutions pour la biodiversité en est même devenu source de confusions à travers une réglementation et une diversité de stratégies se heurte aux activités économiques et à la complexité de préserver la biodiversité. Devant la diversité des segments comme la fonction, l’organisation et la composition d’un ensemble géographique selon plusieurs échelles : le gène, l’espèce, l’écosystème et le paysage ; dans l’état actuel des choses il est totalement illusoire et même utopique de penser protéger la biodiversité en ayant exclusivement recours aux zones protégées sous toutes les formes mises au point ces dernières décennies. Les perturbations dont le principal instigateur est l’Homme et la Finance connaissent une acuité exponentielle à la quelle s’ajoute le changement climatique.
D’année en année les espaces naturels et même modifiés diminuent et connaissent une mutation au gré du développement industriel, agricole et commercial de la région. Il est difficile d’envisager une approche scientifique classique de la préservation de la biodiversité sans essayer de dévoiler et d’identifier les causes déterminantes de cette situation catastrophique, de définir de nouvelles notions adaptées à nos réalités. Pour cela il est indispensable de comprendre le comportement des espaces dans leur dynamisme, dans leur composition, dans leur processus de dégradation et surtout dans leur intégration dans des programmes de développement socio-économiques imposés par des politiciens.
Tous les efforts consentis depuis trois décennies se sont avérés vains car les espaces naturels sont considérés comme une ressource inépuisable où toutes les interventions étaient permises même celles à teinte politique ou sociale. Le résultat alarmant obtenu trouve son optimum dans l’érosion de la biodiversité, dans la perturbation du régime des eaux, dans l’accentuation de l’érosion et des inondations et dans l’altération des écosystèmes naturels et même modifiés.
Ces espaces reliques, creuset encore d’une biodiversité, doivent être sauvées, protégées car elles constituent un refuge à cette diversité. La préservation de la biodiversité ne peut être une réalité que si les écosystèmes sont intégrés écologiquement et durablement dans leur espace économique. Ce dernier reste essentiellement déterminant et sa prise en considération devient plus que nécessaire pour assurer la pérennité et la protection de la biodiversité que recèlent les espaces.
L’intégration des aspects économiques ne doit pas rester juste un concept idéaliste mais une conception technique de gestion durable et rentable des écosystèmes. Cette intégration ne peut être concrétisée que si on admet la présence d’un seuil de perturbation des espaces naturels.
La biodiversité rend des services à l’Homme. On parle, généralement, de « services éco systémiques », « services environnementaux » ou « services écologiques ». On distingue quatre types de services : les services d’approvisionnement, les services de régulation, les services culturels et les services de soutien.
Pourquoi la biodiversité pourrait-elle aider les humains et notamment les plus pauvres d’entre eux ? Car la nature rend ce que l’on appelle des services écologiques : la purification des eaux, le maintien de la richesse des sols, la pollinisation, etc. Une quantité extraordinaire de tâches que les Hommes seraient bien obligés de réaliser si la nature ne s’en occupait pas. Tâches pour lesquelles il leur faudrait payer.
Comment définir la biodiversité
La biodiversité représente la variété et la variabilité des organismes vivants et des complexes écologiques dont ils font partie.
Convention sur la biodiversité – Rio 1992
La notion de biodiversité recouvre l’ensemble des formes de vie sur Terre (la faune, la flore, les milieux naturels mais aussi l’espèce humaine) ainsi que les relations établies entre elles.
Préserver la biodiversité, c’est donc préserver les espèces, les écosystèmes et tout ce qu’ils peuvent apporter à l’espèce humaine ; c’est concevoir une utilisation durable des ressources.
Poids de la biodiversité
La Convention Internationale sur la diversité biologique ajoute que la biodiversité « comprend trois niveaux distincts : ceux du gène, de l’espèce et de l’écosystème ». On dénombre entre 1,5 et 1,8 million d’espèces formellement identifiées, possédant un nom latin. Les estimations du nombre total d’espèces s’étalent de 3,6 à 100 millions et témoignent de l’immensité du règne vivant.
Les services offerts par la biodiversité
Les « produits et services » de la diversité biologique sont très nombreux et garant du fonctionnement de la biosphère et de la préservation de l’équilibre des différents écosystèmes. La biodiversité est source de :
– la fourniture de bois, de carburant et de fibres (papier, pâtes, textiles..) ;
– la fourniture de logements et de matériaux de construction ;
– la purification de l’air et de l’eau, par épuration des polluants rejetés dans ces milieux ;
– la détoxication et la décomposition des déchets ;
– la fertilité des sols, notamment, le cycle de renouvellement des nutriments ;
– la pollinisation des plantes, y compris des nombreuses plantes cultivées ;
– La lutte contre les maladies et les parasites

Apports de la biodiversité

La biodiversité est à l’origine d’un commerce international de plantes médicinales qui se chiffre à 60 milliards de dollars US/an. Un investissement de 45 milliards de $ dans les aires protégées pourrait générer 5 billions de $ en services écosystémiques.
On sait que les cycles du carbone et de l’eau dépendent de la biodiversité qui peut renforcer la résilience face aux conditions changeantes.
Etat de la biodiversité
Le nombre d’espèces menacées ont vu le nombre d’espèces sensiblement augmenter:
– de 169 à 180 pour les mammifères,
– de 168 à 182 pour les oiseaux -.
– Les 11 000 espèces menacées de disparition, représentent:
– 24 % de toutes les espèces de mammifères,
– 12 % de toutes les espèces d’oiseaux,
– 25 % des espèces de reptiles,
– 20 % des espèces d’amphibiens,
– 30 % des espèces de poissons.
Quelques chiffres alarmants
La méconnaissance des habitats, leur disparition, la fragmentation et la dégradation (notamment le déboisement des forêts et des steppes, l’assèchement des zones humides, la dégradation des récifs coralliens,..) menacent :
– 89 % des espèces d’oiseaux,
– 83 % des espèces de mammifères
– et 91 % des espèces végétales.
Il y a lieu de souligner que 45 % des forêts originales sur Terre ont disparu au siècle dernier, et le recul se poursuit avec 10 000 ha/jr. Les statistiques montrent que la chasse et la cueillette menacent : 338 espèces d’oiseaux (28 % du total), 212 espèces de mammifères (29 % du total) et 169 espèces végétales (7 % du total). Le commerce affecte 13 % des espèces menacées d’oiseaux et de mammifères. Les espèces exogènes envahissantes ou introduites dans une région ou un habitat qui ne leur est pas naturel) représentent une menace significative pour 580 insectes, 350 espèces d’oiseaux (30 % du total) et 361 espèces végétales (15 %).
Les facteurs à l’origine de cette dégradation
• La pression démographique
• Le développement technique et biologique
– L’économie (industrie, agriculture, transport)
– La finance et la valorisation des ressources naturelles
– La Biotechnologie et les OGM
– Les pollutions et nuisances
– Les produits phytosanitaires
– La fragmentation des paysages
– L’urbanisation
– Le développement énergétique
– La biotechnologie
– Les grandes firmes
Les dangers source de risques pour la biodiversité peuvent se récapituler à travers les actions anthropiques souvent irréfléchies causant des désastres ; ces dernières sont :
– Bétonnage de 10 000 ha de terres agricoles ou forestières par an
– 30 000 ha de formations forestières partent en fumée
– 300 ha par an pour enfouir nos déchets
– 50 000 ha de terres agricoles déclassifiées depuis 2010
– En 1962 le ration SAU/habt était de 0.75 ha
– il n’est que de 0.25 ha en 2000 et 0.17 en 2020
– COV rejeté par le transport: 8 000 T/jr
– CO2: 25 000 T/jr
– On importe 15 à 20 millions de qx de céréales par an
– Le ratio espace vert est inférieur à 1 alors qu’il doit être de 10
– Introduction d’espèces en dehors de leur habitat (espaces verts, reboisement, arboriculture,
Qu’en est-il de la biodiversité en Algérie ?
Dans le domaine de la flore naturelle seule la flore de Quez el et Santa éditée en 1963 constitue l’unique référentiel permettant d’évaluer cette biodiversité. Un inventaire des ressources phytogénétique a été fait mais reste inutilisable vu sa qualité. L’évaluation n’a pas été faite puisqu’elle doit reposer sur une identification d ‘abord des habitats puis leur inféoder les espèces suivies de leurs traits fonctionnels et des relations et interaction.
Sur les 3139 espèces (5400 taxons en comptant les sous espèces, les variétés et les formes) décrites en 1962). En 1983: 289 espèces assez rares, 647 rares, 640 très rares, 35 rarissimes et 168 endémiques. Soit 1760 espèces menacées sur 3140 soit 55%. Dans de telles conditions peut-on encore parler de biodiversité végétale?
Les endémiques sahariennes
Les endémiques Sahariennes sont en nombres de 64, les endémiques algéro-tunisiennes au nombre de 50 et les endémiques algéro- marocaines au nombre de 104. La flore saharienne se caractérise par un endémisme développé, sur 650 espèces du Sahara septentrional, occidental et central 162 espèces sont endémiques, soit 25 %.
Qu’attend fais de ce patrimoine génétique pour lutter contre la désertification?
Impact de la finance
Juste quelques exemples pour identifier quelques fautes et erreurs graves commises dans notre pays qui est en train de perdre son potentiel génétique au profit d’espèces dont l’avenir est incertain.
En Algérie, il existerait plus de 150 variétés d’oliviers plus ou moins cultivées. Le Centre National de Contrôle et de Certification des Plants et Semences (CNCC) a autorisé la production et la commercialisation de 16 variétés.
Un autre exemple peut être cité, celui du genre Pistacia, En Algérie, trois pistachiers sauvages poussent partout et en abondance : Pistacia lentiscus ou Drou, P.terabenthus ou Térébinthe, P.atlantica ou Betoum. Le Pistacia vera est très peu cultivé en Algérie malgré les énormes possibilités de développement de la culture. Les variétés autorisées actuellement la production et la commercialisation sont : Mateur ; Bandouki ; Libye Blanc ; Batouri ; Chadi ; Olymee ; Achouri.
Le pommier également, comme tant d ‘autres espèces, se présente avec 6000 variétés aujourd’hui alors qu’au 19ème siècle il n’y avait que 527 variétés. Mais nombre d’entre elles sont menacées de disparition par les choix et les pratiques de l’arboriculture intensive et de la grande distribution
Conclusion
La biodiversité est un concept plus important que l’environnement car elle concerne l’équilibre des systèmes sur Terre et assure la pérennité de l’alimentation. Sans préservation de la biodiversité il est illusoire de parler de Développement Durable car elle en constitue l’ossature.
Toute le monde parle de biodiversité mais très peu agissent, nous n’avons pas su maîtriser nos espaces préservateur de biodiversité t nous n’avons pas eu le courage politique et technique de pratiquer le géo diversité et les zones homo-écologiques viables avec fixation des seuils (normaliser les espaces vitaux)
Stratégie à adopter
Elle peut s’inscrire dans 5 points à développer
• 1- Etudier les mécanismes biologiques permettant d’expliquer le rôle de la diversité
• 2- Développer l’écologie fonctionnelle et de bio-complexité (flux et interactions et cycles)
• 3- Identifier les impacts et les substances à haute valeur ajouté sur l’alimentation et la santé
• 4- Cartographier les habitats avec leur diversité, leurs traits de fonctionnement et leurs potentialités
• 5- Mettre en place une stratégie de conservation reposant sur les habitats et les paysages.

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