En 1865, l’empereur Napoléon III, toujours inquiet de la situation en Algérie persistait dans ses idées de restaurer une « nationalité arabe ». Pour ce faire, il envisageait, d’après Mac-Mahon de créer en Algérie une aristocratie fondée sur la possession de grandes propriétés et recrutée parmi de hauts personnages choisis principalement dans l’armée.
Le 3 mai, il entreprit une visite en Algérie -. Au cours de son séjour, l’empereur multiplie les proclamations aux « habitants de l’Algérie » (entendez les colons) et au « peuple arabe ». Il tente de rassurer les premiers : « je viens au milieu de vous pour connaître par moi-même (…) vous assurer que la protection de la Métropole ne vous manquera pas.(…) les Arabes contenus et éclairés sur vos intentions bienveillantes, ne pourront plus troubler la tranquillité du pays ».L’empereur s’identifie aux colons « civilisées », « forts » et … « chrétiens » : « Nous devons être les maîtres, parce que nous sommes les plus civilisés ; nous devons être généreux parce que nous sommes les plus forts. Justifions l’acte glorieux de l’un de mes prédécesseurs qui, faisant planter, il y a trente cinq ans sur la terre d’Afrique le drapeau de la France et la croix, y arborait à la fois le signe de la civilisation, le symbole de la paix et de la charité.» [1]
Il légitime aux yeux des « Arabes » la situation de colonisation par les « décrets de la providence »: « Reconnaissez donc les décrets de la Providence (…) acceptez donc les faits accomplis », citant à l’appui les versets coraniques.[2] Ces proclamations provoqueront, toutefois, l’enthousiasme de certains cercles indigènes. Certains trouvent à l’empereur de troublantes sympathies pour l’islam, « l’Empereur pourrait bien n’être pas aussi chrétien qu’on le suppose. Il sait le Coran sur le bout des doigts et il ne craint pas de le citer » et surtout « il est l’ami d’Abdelkader »[3]. Au cours de son voyage, Napoléon III reçu une pétition de 10 000 signatures de juifs algériens qui réclamaient leur « naturalisation collective ». Lorsqu’il rejoignit Paris le 7 juin 1865, les choses n’avaient pas tellement changé. Certes Napoléon III promulgua, le 14 juillet 1865, Sénatus-consulte qui permet aux indigènes musulmans et israélites de demander à « jouir des droits de citoyen français », mais l’application sur le terrain s’avéra difficile voire impossible.
Le 16 Mai, à 8 heures du matin, l’empereur français Napoléon III , arrivé deux jours auparavant à Oran se mit en route pour Sidi bel Abbes. L’empereur transporté dans une voiture découverte et accompagné d’une forte délégation est escorté par un détachement de cavalerie. Le voyage Oran-Sidi bel Abbes durait à l’époque prés de huit heures. Et le cortège impérial dut traverser des tribus réduites à la pire des misères par la dépossession coloniale.
Des indigènes spoliés qui veulent faire entendre leurs voix
Plusieurs douars plantèrent pour la circonstance leurs tentes sur le trajet du cortège impérial .La rumeur a couru que cet empereur des français était favorables aux « arabes » ; on le présente comme l’ami de l’émir Abdelkader. Aussi le passage de l’empereur par des douars réduits à la misère est salué par des yous des femmes et des salves de fusils des cavaliers des tribus
Quelques « arabes tentèrent hardiment de s’approcher de l’empereur pour lui remettre des chikayas. (Requêtes)Ils furent éconduits sans ménagement. On raconte toutefois qu’un d’entre eux réussit à remettre à l’empereur sa chikaya (requêtes) en plaçant sa requête au bout d’un long roseau qu’il tendit de loin à l’empereur .l’empereur trouvant le stratagème fort judicieux accepta de donner suite à la requête de cet arabe particulièrement audacieux.
Le passage par les trembles.
On sait que c’est par décret en date du 8 janvier que l’empereur décida la création du centre de colonisation européen des Trembles
L’arrivée à Sidi bel Abbes
A trois heures et demie, après un périple 7 heures et demi, l’empereur passait sous l’arc de triomphe orné de verdure, de fleurs et de guirlandes et à quelques cinq cent mètres de la porte d’Oran de la ville fortifiée. L’arc de triomphe portait à son fronton une inscription de bienvenue. M. Villetard commissaire civil, faisant fonction de maire de la ville est le premier à recevoir l’empereur en lui offrant les clefs de la ville et en prononçant le discours qu’il voulait émouvant. La liesse est à son comble quand l’empereur entre dans la ville fortifiée par la porte d’Oran : les habitants acclament vivement l’empereur des français, la forte colonie espagnole crie à tue tète « viva el imperator «, les canons tonnent, les cloches de l’église Saint Vincent carillonnent, les clairons sonnent et les tambours roulent. Entre une haie formée par la milice et des troupes de la garnison dans leurs plus bels atouts, l’empereur entre dans l’hôtel de la subdivision.
La cigarette de l’empereur
L’empereur se met à une fenêtre du premier étage de l’hôtel de ville pour saluer le défilé de la milice, des troupes de la garnison et des exotiques goums locaux. Satisfait du spectacle grandiose, « il allume une cigarette ce qui plonge dans la stupéfaction les indigènes répandus dans la foule ». Ils ‘s’imaginaient peut-être que l’empereur ne pouvait fumer comme n’importe quel mortel !
Dans le luxueux salon de l’hôtel, il reçoit la visite des autorités civiles et militaires, discute avec les membres du conseil municipal et semble s’intéresser aux principales productions agricoles de la région, de leur écoulement, de l’état des populations. Il eut également un entretien remarqué avec le juge de paix sur le service de la justice et son fonctionnement.
La visite du château Bastide
De cinq à six heures du soir, l’empereur parcourt à pied les rues de la ville richement pavoisées. M Bastide, l’un des plus gros colons de la région en profite pour l’inviter à visiter son domaine situé à la sortie est de la ville. L’empereur ne put s’empêcher d’admirer les champs de vignes ses vignes, les riches vergers, les magnifiques plantations. Une des plus belles réussites de la colonisation. Mais une colonisation qui a réussit par des subterfuges inqualifiables : l’usure pratiquée sans vergogne sur les indigènes. Par ce biais là, souvent d’obscurs aventuriers sans le sou arrivés en Algérie se trouvaient quelques années plus tard à la tète de confortables fortunes.
L’empereur est également invité a visiter le château baroque de Bastide, l’actuelle siège des Douanes Algériennes, pour s’y reposer un peu ; d’où cette légende qui fait que le château a toujours porté le nom de château Napoléon.
Rencontre avec Lacretelle, l’ami de Mustapha ben Brahim
A la fin de sa visite au château Bastide, l’empereur se fait présenter le célèbre colonel Lacretelle, futur commandant de la subdivision de Sidi Bel Abbés. Lacretelle, bien que gros propriétaire foncier et fils d’un gros propriétaire foncier à Sidi bel Abbes était considéré à l’époque le plus arabophile des officiers français de la colonie. L’empereur a un long entretien avec cet ami des arabes.
Lacretelle fut l’ami de Mustapha ben Brahim pour être cité à plusieurs reprises dans les vers du barde des Beni Ameur ; Mustapha ben Brahim a souvent glorifié Lacretelle dans plusieurs de ses poèmes, notamment « Meyloud » . Lacretelle attire l’attention de l’empereur sur la situation désastreuse du peuple arabe. Ce sont les écrits de Lacretelle sur les souffrances des algériens que le baron Jérôme David, citait à Paris pour dénoncer le système judicaire inique appliqué aux « arabes d’Algérie »
Napoléon III décore l’ex agha de l’émir Abdelkader, Ould Zin
A 6 heures et demie, l’empereur et sa suite sont conviés à un diner officiel. Parmi les convives le commissaire civil, le juge de paix, le curé et le commandant de la milice et des notables « arabes » dont l’agha Ould Zin et l’agha Si Mokhtar.
Ould Zin, l’ancien agha de l’émir Abdelkader, désormais agha de la nouvelle administration française et gros propriétaire foncier est décoré par l’empereur pour les services rendus à l’Etat français. Il reçoit des mains de l’empereur des français la rosette d’officier de la légion d’honneur. On se souvient que l’agha Ould Zin. Agha dans l’Etat de l’émir Abdelkader s’entendait très mal avec son chef, le Khalifa Bouhamidi.
L’empereur décora également M. Preire, curé de la nouvelle paroisse de Sidi bel Abbes d’une distinction en relation avec le dévouement dont aurait preuve ce religieux lors de l’épidémie de cholera. Cet homme de religion est resté célèbre dans les annales pour avoir fait exécuter son guide arabe sur la base d’un simple soupçon.
Apres le diner, à 9 heures, l’empereur est invité à une visite de la place du Quinconces, l’actuelle place Carnot, En cette belle soirée printanière la place éclairée par mille lanternes vénitiennes, offrait une image des plus féeriques. Elle est décorée par un imposant arc de triomphe construit à l’aide d’instruments agricoles et couvert de plantes et de produit agricoles du terroir belabesien ; L’empereur fait part de son admiration pour la nouvelle ville à M. Villetard. Il avoue que sa surprise est grande devant cette ville élégante et moderne qui s’offrait à ses yeux. Il avoue qu’il était agréablement surprit par cette belle ville, bien propre, bien tenue, et qu’il était d’autant plus content, qu’il était loin de s’y attendre.
Napoléon-ville ou la baraka de Sidi bel Abbes ?
C’est alors que M. Besse ,Le juge de paix de la ville saisit l’occasion pour présenter à l’empereur, au nom de la population, représentée par un comité de onze notables qu’il présidait, une pétition d’accepter d’être désormais le parrain de notre cité comme et que le nom de Napoléon ville reste comme l’immortel souvenir de la visite de Votre Majesté).Humble , l’empereur fait savoir à l’assistance qu’il était peu disposée à changer les noms des villes mais qu’il daigne accorder que le nom de Napoléon fut ajouté à celui de Bel Abbés, qui désormais doit s’appeler Bel Abbés-Napoléon.
Mais miracle et baraka du saint Sidi bel Abbes el Bouzidi, jamais cette décision de changement de nom ne fut appliquée. Le nom arabe de Sidi bel Abbes s »imposa comme par miracle à la seule ville française d’Algérie.
Le lendemain, à 7 heures du matin, après avoir remis 1000 francs au commissaire civil de la ville, Villetard qu’il a chargé de distribuer aux pauvres de la ville
Sur le chemin du retour vers Oran, l’empereur français s’arrêta quelques temps à Sidi Brahim , centre de colonisation européenne dépendant de Sidi bel Abbes. Il put constater les avancées de la colonisation. Constatant que le petit village projetait de construire une église, il fit remettre 1600 FR à l’adjoint municipal local pour la construction d’un clocher. Quelques kilomètres plus loin il fit une halte au nouveau centre de colonisation des Trembles créé une année auparavant par décret impérial.
Il reprit son chemin vers Oran l’empereur en songeant que son rêve de royaume arabe associant français et arabe a commencé à avoir un début de concrétisation dans le nouveau nom de la ville : Napoléon-ville-Sidi bel Abbes.
Il se trompait. Le saint Sidi bel Abbes el Bouzidi veillait. Juste avant sa mort en 1780, Sidi bel Abbes el Bouzidi avait eut une vision céleste, apocalyptique, une vision si terrible qu’elle l’avait, durant un moment, transfiguré : la vision des massacres qui seront perpétrés par les hordes coloniales prés d’un siècle plus tard.
Par une de ces baraka dont seul le Ciel en a le secret, jamais le nom de Napoléon ne put remplacer ou même côtoyer le saint nom de Sidi bel Abbes el Bouzidi et la ville de Sidi bel Abbes, la seule ville de création française, habitée par une population coloniale ne put jamais se dévêtir de son nom arabe. N’est ce pas l’un des plus grands miracles du saint Sidi bel Abbes el Bouzidi ?
NB : Mon arrière grand père Mr Mohamed OTMANE-TANI était chef des selleries chevauchées dans l’armé française en 1865 à Sidi-Bel-Abbès, il a été décoré parNapoléon III Le 20 mai 1865
Par Mouard.T