L’enfance nous traverse et cultive à chacun les prémisses des talents futurs, à chacun de devenir ce que le don fera de lui. Dans une ville de province, entre mille nuances est né un être d’abord comme tous les autres fruits, de ses parents, il se trouve que vite la bulle personnelle enveloppe l’inspiré puis porte un nom d’auteur différent du nom de l’état civil.
Houda Darwich: s’est tracée précocement un destin voulu ; adolescente s’adonnant à la poésie, voulant aboutir au statut de romancière à l’image de Assia Djebbar, l’auteur « des enfants de la casbah »..Quoi de plus intéressant que de lui proposer un entretien à bâtons rompus pour qu’elle parle elle-même de son parcours. Écoutons le débat.
Echos de Sidi bel Abbes : Houda, on peut dire que ta vie est centrée sur la littérature et la poésie ?
Houda Darwich : Tu sais cela remonte d’abord à mon enfance où j’ai vécu heureuse, à l’aise et surtout gâtée par mes grands parents, d’autant qu’à cet âge -huit ans- je découvrais dans la solitude la beauté de la nature, la perfection de l’univers, l’affection de mon entourage, j’évoluais dans l’harmonie, je peux dire que mon enfance a été un bonheur..
Les échos de Sidi Bel Abbes : l’éveil à l’art au cœur de l’enfance t’a donc pétri ?
Houda Darwich : C’est dans la famille, entre la douceur ou la rigueur d’une mère, la protection d’un père et les bons sentiments entre frères et sœurs qu’un être encore une graine qui sent en lui qu’il aura beaucoup d’amour et de compréhension pour que sa vocation grandisse sans incidents notoires. C’est là, je pense, que ma sensibilité pour les arts s’est déclarée, notamment le dessin.
Les échos de Sidi Bel Abbes : cette première expression t’a-t-elle mise sur la route vers l’écriture ?
Houda Darwich : C’est avec le dessin, en gribouillant des formes que j’ai eu les premières émotions pour l’art et où l’on peut faire un portrait même sans respecter les règles académiques, décrire la nature, s’amuser spontanément avec les crayons de couleurs..Peu à peu des pensées me traversaient, alors naturellement je me suis mise à les traduire avec des mots. La poésie est venue simplement comme l’eau d’une rivière et çà me coulait de source…Aujourd’hui, ces textes sont dans les souvenirs, je m’en rappelle plus…
Les échos de Sidi Bel Abbes : Et plus tard tu vas à la rencontre de grands écrivains arabes ?
Houda Darwich : avec eux, j’ai reçu mon éducation littéraire, entres autres Gibrane Khalil Gibrane émue et bouleversée par la sagesse de sa poésie, sa force spirituelle et surtout par son écriture génial…Je peux dire qu’il m’à ouvert un chemin.Il y a eu Mohamed Dib, Ahlem Mostaghanemi côté algérien, et surtout les poètes libanais de l’exil, avec eux j’ai appris ce que veut dire un homme ou une femme qui vit l’état d’exil …
Les échos de Sidi Bel Abbes : Sans parler de Nizar Kebbani ?
Houda Darwich : c’est le poète qui m’a fait découvrir la poésie engagée , il est aussi celui qui a mis le doigt sur le destin malheureux du monde arabe en pointant du doigt sur ce qui ne pas avec un art sublime sans jamais tomber dans la vulgarité.Beaucoup lui ont donné l’étiquette de « poète des femmes ». C’est faux ! Il était d’une extrême délicatesse, plutôt il comprenait la femme, il ne la chantait pas seulement..Voilà quelques vers pour démontrer « Ta mains qui s’est posée sur mon épaule / telle une colombe descendue pour boire vaut mille royaumes / Puisse t-elle ne jamais quitter mon épaule
Les échos de Sidi Bel Abbes : et alors arrive Mahmoud Darwich ?
Houda Darwich : (elle soupire) : Effectivement, il a changé ma vie mais pour bien t’expliquer, c’est à travers justement Nizzar kebbani que j’ai découvert Darwich. Nizzar a été le plus grand défenseur du peuple palestinien et sa cause sacrée.C’est lui qui disait de lui que ce sera le grand poète de la résistance palestinienne .Et plus je le lisais, plus je voyais que la révolution palestinienne devenait à mes yeux le symbole de la liberté des arabes comme il y a 58 ans fut la révolution algérienne.Je crois que mon écriture aussi a pris cette direction à mesure que j’écrivais.
Les échos de Sidi Bel Abbés : Ton premier roman se construit donc autour du drame palestinien notamment pendant le siège de Gaza … ?
Houda Darwich : J’ai imaginé le personnage de Amel comme une ressemblance avec Nedjma de Kateb Yacine et j’ai laissé ma plume développer la tragédie de cette Ghazaouia qui à travers des péripéties va nous introduire dans les profondeurs d’un peuple qui se bat pour sa terre, son identité, sa dignité et terminer avec cette chose terrible qu’on appelle Exil.
Les échos de Sidi Bel Abbes : En le lisant en deuxième lecture, c’est une histoire d’ un amour impossible comme c’est fréquent dans nos sociétés arabes ?
Houda Darwich : précisément, j’ai insisté pour exprimer à travers les personnages que la libération n’est pas seulement politique ou économique, c’est la libération de l’homme et de la femme arabe en respectant les valeurs de notre civilisation et celles du monde moderne .Pour moi, en Palestine se joue le drame du monde actuel.
Les échos De Sidi Bel Abbes: son titre « amour en quête d’une Patrie » en filigrane nous renvoit directement à notre actualité ?
Houda Darwich : Un écrivain a ce rôle à jouer, d’être près des gens, près des évènements, dire son opinion, intervenir avec engagement, je suis encore à mes débuts mais les maîtres de la littérature m’ont montrés le chemin à suivre pour être digne de la confiance et du respect au lecteur. Mon livre cherche à avoir cette place modestement.
Les échos de Sidi Bel Abbes : Ton œuvre va être traduite en français ?
Houda : C’est exact, la traduction permet d’atteindre un large lectorat c’est le rêve de tout écrivain d’être lu par le monde entier….
Les échos de Sidi-Bel-Abbès : Houda, pour terminer cet entretien, comment tu vois d’avenir ?
Houda Darwich : Moi je le vois toujours heureux et plein d’espoir, il suffit d’y croire !