J’étais au café de la résidence Hasnaoui…
L’année, le jour, l’heure, cela importe peu…
Il me faisait face …L’homme était robuste, il était noyé cependant d’insomnie et de mauvaises fréquentations, la tête mal réveillée… Il cherchait des yeux une cigarette et un café bien serré…J’avais compris , je lui en offris une et dit au serveur de lui ramener un tout chaud , son remontant …Je sais qu’il me remerciait mais entre frères , y a pas de manière à faire …Les hommes sont en principe des frères , faut simplement des gestes pour le confirmer…Bref , il but une première gorgée en fermant les yeux , soupirant , puis tirant une première bouffée de sa cigarette ..Il se murmura « Dieu est grand ! Je revis ! » Il laissa retomber sa tête sur ses bras et demeura un instant comme frappé un morceau de marbre…Moi, je l’observais, j’observais cet homme au prise avec lui-même…On se connaissait voilà à peine voilà une demi-heure…
Il m’aborde sans me saluer, me chuchote à l’oreille « Aide-moi, khouya ! »…Je décolle du coin où j’étais, le rond-point du boulevard la Macta et on se dirige vers le café » Le bon café » de la résidence Hasnaoui… Un instant après, il relève la tête, me fixe longuement d’un sourire amer et désolé « Khouya, que Dieu maudisse les femmes …Que dieu maudisse ceux qui les épousent et les aiment ! » je ne réagis pas, j’attend…Il continue « Regardes moi, tu vois où j’en suis…C’est la faute à la femme !J’ai tout perdu , argent , maison , je ne suis maintenant qu’un vagabond , un va-nu-pieds » Je grille une cigarette , il ne me fait pas pitié , j’écoutais c’est tout et je ne prenais pas partie …C’était lui qui parlait ..Il continua « Ma propre femme me chasses, moi ? Tu comprends çà, ma propre femme me trahit, prend ses clics et ses clacs chez ses parents et on me dit, notre fille n’est plus ta femme, elle demande le divorce …Tu comprends çà .C’est sa vipère de mère qui a manigancé ce complot !» Il serre les poings , il avait vidé sa tasse de café , je fais signe au serveur d’un geste de la tête de lui en ramener une autre , je lui tends une autre cigarette , il veut dégueuler , je l’aide à dégueuler « Depuis cinq ans ELLE m’a montrée un visage d’ange , et je ne savais pas qu’elle s’était alliée contre moi avec sa vipère de mère , quant à son père , n’en parlons pas , il ne compte pour rien …!Et pourtant figures-toi quand je rentrais du boulot ,je ne m’apercevais de rien, nous n’avions pas d’enfant mais je pensais qu’elle était satisfaite..Le salaire que je ramenais, je le déposais sur la table de la cuisine , …Même que souvent je l’emmenais au restaurant chic de la ville…C’était ma femme légitime mais quand j’ai découvert ce qu’elle complotait, je te raconte pas la suite … j’ai fini par divorcer … » Il frappa du poing la table, fit tourner des têtes vers lui. Moi je me tenais devant lui, les yeux fixé sur lui, ne lui montrant aucune réaction, j’étais là pour écouter…Il reprit son histoire « Un jour comme par hasard, je quittais mon bureau un peu tôt, il me manquait un peu de fric pour aller au restau , changer un peu de cette situation de sinistrose avec les amis ; je rentrai chez moi j’avais mis de côté quelques billets de secours .Et là en rentrant qu’est-ce que découvre ? . Un homme m’attendait sur le trottoir tout près de ma porte .il me salue de la tête et me dit « Vous êtes monsieur M.?» je lui fis oui de la tête « Je me présente…Je suis huissier de justice..Vous êtes au courant ? » Je le regarde déjà inquiet, il devine que je savais rien, il toussota et me murmura « Monsieur vous devez immédiatement prendre vos affaires et quitter cette maison sur le champ ! » Il n’avait mis aucun tact comme le veut sa profession ….ce moment restera graver … Il finit ses paroles « La maison est attitrée au nom de votre femme non ? »… » Oui, mais, dis-je, on avait divorcé à l’amiable et ma femme a dit au juge qu’elle va vivre chez ses parents et me laisser l’appartement ; cela fait presque 9 mois. » L’huissier me réplique « Oui mais voilà votre femme a fait un recours et a demandé de récupérer son logement, désolé la loi c’est la loi… »…J’étais puni, j’étais condamné à la rue par ma propre faute …Et dire qu’au début l’amour m’a aveuglé, j’étais amoureux fou d’elle …pour lui prouver mon amour je lui ai dit que l’appartement sera en ton nom…Quel imbécile j’ai été…Je n’ai jamais su pourquoi son cœur était mort et comment elle a pu me haïr à ce point !! Jamais je n’ai compris comment l’amour qu’on vit avec une personne avec force et respect finit par une guerre sans merci … Et voilà je perdis mon boulot parce que je buvais beaucoup, je passais des nuits dans des lieux de débauches, tout s’est brisé pour moi …Tout !» Il baragouina quelques mots, il jeta un circulaire, me fixa dans les yeux « Merci mon frère, tu as allégé ma peine, que dieu te bénisse, maintenant je dois partir …. » Il se leva, secoua sa tête ébouriffée et sortit du café…Je me dis » L’argent , la passion sentimentale , deux choses à s’en méfier »…En bon entendeur , salut!