“Le Makhzen (l’État marocain et ses institutions) s’est rendu coupable d’une énième provocation à l’encontre de l’Algérie. Ces agissements sont ceux d’un pays ennemi et non pas d’un pays frère. Par conséquent, l’Algérie doit prendre une position ferme pour mettre définitivement fin à ces provocations. A mon sens, il faut rompre les relations diplomatiques”.
En prononçant un discours aussi sec que radical, Me Farouk Ksentini, a-t-il exprimé tout bas ce que le gouvernement algérien envisage tout haut ? Sans doute que les propos fermes du président de la commission nationale des droits de l’homme ne sont pas le fruit d’un simple coup de gueule très personnel.
La teneur diplomatique de ce violent réquisitoire semble inspirée par les hautes autorités du pays qui ne supportent plus l’infinie haine royale à l’égard de l’Algérie. En l’occurrence, Alger aura longtemps encaissé les coups qui lui viennent de son voisin sans qu’elle ne se départisse de sa volonté de régler les contentieux bilatéraux par la voie diplomatique.
Mais il se trouve que Rabat semble prendre la sagesse algérienne pour de la faiblesse, en témoigne les déclarations successives aussi haineuse les unes après les autres des responsables marocains. La ligne rouge a été franchie en septembre dernier quand un énergumène stipendié par le roi a commis l’irréparable en arrachant le drapeau algérien du haut du siège du Consulat d’Algérie à Rabat.
Un geste sauvage commis sous les yeux amusés des policiers de sa majesté qui se délectaient de ce forfait indigne d’un pays “frère et voisin”. Preuve de sa volonté de poursuivre sa croisade contre l’Algérie, le makhzen ne s’est même pas excusé de cet acte idiot et odieux qu’il a relegué au rang de fait divers. L’auteur de cette violation d’une enceinte diplomatique, s’en est même sorti avec trois mois de sursis !
Ksentini en porte-voix
Autrement dit, le message est clair : cet “attentat” contre le Consulat d’Algérie à Rabat est directement téléguidé par le roi et sa Cour. Depuis, Alger semble avoir compris définitivement qu’il est illusoire d’essayer de faire entendre raison à un voisin vraiment encombrant.
La causticité des réactions algériennes par la voix de son ministre des affaires étrangères ou de son porte parole prouvent en tout cas qu’Alger est fatigué d’encaisser les coups sans répondre. De fait, Faouk Ksentini qui n’est pas spécialement le responsable habilité a répondre à Rabat, a sûrement reçu le feu vert pour évoquer la necéssité d’après lui de rompre les relations diplomatiques.
De là à trancher sur cette éventualité très probable, beaucoup n’hésitent plus à franchir la ligne rouge. Pour cause, face à un voisin avec lequel la coopération économique est égale à zéro, et avec lequel l’Algérie ne partage presque rien sur la scène diplomatique, continuer cette relation tumultueuse s’apparente quelque part à une hypocrisie diplomatique. Faut-il alors en finir avec cette atmosphère de ni guerre ni paix entre Alger et Rabat ? Hélas ce sont les deux peuples frères qui subiraient les contre coups d’une attitude aventureuse du makhzen.
Rafik Benasseur