mar. Jan 9th, 2024

Histoire du Saint Sidi bel Abbes el Bouzidi :Napoléon III à Sidi Bel Abbes, le 16 mai 1865

En 1865, l’empereur Napoléon III, toujours inquiet de la situation en Algérie persistait dans ses idées de restaurer une « nationalité arabe ». Pour ce faire, il envisageait, d’après Mac-Mahon de créer en Algérie une aristocratie fondée sur la possession de grandes propriétés et recrutée parmi de hauts personnages choisis principalement dans l’armée.

Le 3 mai, il entreprit une visite en Algérie -. Au cours de son séjour, l’empereur multiplie les proclamations aux « habitants de l’Algérie » (entendez les colons) et au « peuple arabe ». Il tente de rassurer les premiers : « je viens au milieu de vous pour connaître par moi-même (…) vous assurer que la protection de la Métropole ne vous manquera pas.(…) les Arabes contenus et éclairés sur vos intentions bienveillantes, ne pourront plus troubler la tranquillité du pays ».L’empereur s’identifie aux colons « civilisées », « forts » et … « chrétiens » : « Nous devons être les maîtres, parce que nous sommes les plus civilisés ; nous devons être généreux parce que nous sommes les plus forts. Justifions l’acte glorieux de l’un de mes prédécesseurs qui, faisant planter, il y a trente cinq ans sur la terre d’Afrique le drapeau de la France et la croix, y arborait à la fois le signe de la civilisation, le symbole de la paix et de la charité.» [1]

Il légitime aux yeux des « Arabes » la situation de colonisation par les « décrets de la providence »: « Reconnaissez donc les décrets de la Providence (…) acceptez donc les faits accomplis », citant à l’appui les versets coraniques.[2] Ces proclamations provoqueront, toutefois, l’enthousiasme de certains cercles indigènes. Certains trouvent à l’empereur de troublantes sympathies pour l’islam, « l’Empereur pourrait bien n’être pas aussi chrétien qu’on le suppose. Il sait le Coran sur le bout des doigts et il ne craint pas de le citer » et surtout « il est l’ami d’Abdelkader »[3]Au cours de son voyage, Napoléon III reçu une pétition de 10 000 signatures de juifs algériens qui réclamaient leur « naturalisation collective ». Lorsqu’il rejoignit Paris le 7 juin 1865, les choses n’avaient pas tellement changé. Certes Napoléon III promulgua, le 14 juillet 1865, Sénatus-consulte qui permet aux indigènes musulmans et israélites de demander à « jouir des droits de citoyen français », mais l’application sur le terrain s’avéra difficile voire impossible.

Le 16 Mai, à 8 heures du matin, l’empereur  français Napoléon III , arrivé deux jours auparavant à Oran  se  mit en route pour Sidi bel Abbes. L’empereur transporté dans une voiture découverte et accompagné d’une forte délégation est escorté par un détachement de cavalerie. Le voyage  Oran-Sidi bel Abbes durait  à l’époque prés de huit heures. Et le cortège impérial  dut traverser des tribus réduites à la pire des misères par la dépossession coloniale.

Des indigènes spoliés  qui veulent faire entendre leurs voix

Plusieurs douars   plantèrent pour la circonstance  leurs tentes sur le trajet du cortège impérial  .La rumeur a couru que  cet empereur  des français était favorables aux « arabes » ; on le présente comme l’ami de l’émir Abdelkader. Aussi  le passage de l’empereur par des douars réduits à la misère  est  salué  par des yous des femmes et des salves de fusils des cavaliers des tribus

Quelques  « arabes  tentèrent  hardiment de  s’approcher de l’empereur pour lui remettre des chikayas. (Requêtes)Ils furent éconduits sans ménagement. On raconte toutefois  qu’un d’entre eux  réussit  à remettre à l’empereur sa chikaya (requêtes) en  plaçant  sa requête   au bout d’un long roseau  qu’il tendit de loin à   l’empereur .l’empereur  trouvant le stratagème fort judicieux accepta de donner suite à la requête de cet arabe   particulièrement  audacieux.

Le passage par les trembles.

On sait que c’est par décret en date du 8 janvier que l’empereur décida la création du centre de colonisation européen des Trembles

L’arrivée à Sidi bel Abbes

A trois heures et demie, après  un périple  7 heures et demi, l’empereur  passait sous l’arc de triomphe orné de  verdure, de fleurs et de guirlandes   et à quelques cinq cent mètres de la porte d’Oran de la ville fortifiée. L’arc de triomphe portait à son fronton  une inscription de bienvenue.  M. Villetard commissaire civil, faisant fonction de maire de la ville est le premier à recevoir l’empereur en lui offrant les clefs de la ville et en prononçant le discours qu’il voulait émouvant.  La liesse est à son comble quand l’empereur entre dans la ville fortifiée par la porte d’Oran : les  habitants acclament vivement l’empereur des français, la forte colonie espagnole crie à tue tète « viva el imperator «, les canons tonnent, les cloches de l’église Saint Vincent carillonnent, les clairons sonnent et les tambours  roulent. Entre une haie formée  par la milice et des troupes de la garnison dans leurs plus bels atouts, l’empereur entre  dans l’hôtel de la subdivision.

 

La cigarette de l’empereur

L’empereur se met à une fenêtre du premier étage de l’hôtel de ville pour saluer le défilé  de la milice, des troupes de la garnison et  des exotiques goums locaux. Satisfait du spectacle grandiose, « il allume une cigarette  ce qui plonge dans la stupéfaction les indigènes répandus dans la foule ». Ils ‘s’imaginaient peut-être que l’empereur ne pouvait fumer comme n’importe quel mortel !

Dans le luxueux salon de l’hôtel, il reçoit la visite des autorités civiles et militaires, discute avec les  membres du conseil municipal et semble s’intéresser aux  principales productions agricoles de la région, de leur écoulement, de l’état des populations. Il eut également un entretien remarqué avec  le juge de paix sur le service de la justice et son fonctionnement.

La visite du château Bastide

De cinq à six heures du soir, l’empereur parcourt  à pied les rues de la ville  richement pavoisées. M Bastide, l’un des plus gros colons de la région  en profite pour l’inviter à visiter son domaine  situé à la sortie est de la ville. L’empereur ne put s’empêcher d’admirer les champs de vignes  ses vignes, les riches vergers, les magnifiques plantations. Une des plus belles réussites de la colonisation. Mais une colonisation qui a réussit  par  des subterfuges  inqualifiables : l’usure pratiquée sans vergogne sur les indigènes. Par ce biais là, souvent d’obscurs  aventuriers sans le sou  arrivés en Algérie  se trouvaient quelques années plus tard à la tète de confortables fortunes.

L’empereur est également invité a visiter le château baroque de  Bastide, l’actuelle siège des Douanes Algériennes,   pour s’y reposer un peu ; d’où cette légende  qui fait que le château a toujours porté le nom de château Napoléon.

Rencontre avec Lacretelle, l’ami de Mustapha ben Brahim

A la fin de sa visite au château Bastide, l’empereur  se fait présenter le  célèbre  colonel Lacretelle, futur commandant de  la subdivision de Sidi Bel Abbés.  Lacretelle, bien que gros propriétaire foncier et fils d’un gros propriétaire foncier à Sidi bel Abbes était considéré  à  l’époque le plus arabophile des officiers français de la colonie. L’empereur a un long entretien avec cet ami des arabes.

Lacretelle fut l’ami de Mustapha ben Brahim pour être cité à plusieurs reprises dans les vers du barde des Beni Ameur ; Mustapha ben Brahim a souvent glorifié Lacretelle dans plusieurs de ses poèmes, notamment  « Meyloud » . Lacretelle attire l’attention de l’empereur sur la situation désastreuse du peuple arabe. Ce sont les écrits de Lacretelle sur les souffrances des algériens que le baron Jérôme David, citait à Paris pour dénoncer  le système judicaire inique  appliqué aux « arabes d’Algérie »

 

Napoléon III décore l’ex agha de l’émir Abdelkader, Ould Zin

A 6 heures et demie, l’empereur et sa suite sont conviés à un diner officiel. Parmi les convives le commissaire civil, le juge de paix, le curé et le commandant de la milice et des notables « arabes » dont l’agha Ould Zin et l’agha Si Mokhtar.

Ould Zin, l’ancien agha de l’émir Abdelkader, désormais agha de la nouvelle administration française et gros propriétaire foncier est  décoré par l’empereur pour les services rendus à l’Etat français. Il reçoit des mains de l’empereur des français la rosette d’officier de la légion d’honneur. On se souvient que l’agha Ould Zin. Agha dans l’Etat de l’émir Abdelkader  s’entendait très mal avec son chef, le Khalifa Bouhamidi.

L’empereur décora également M. Preire, curé de la nouvelle paroisse de Sidi bel Abbes d’une distinction en relation avec le dévouement dont aurait preuve ce religieux lors de l’épidémie de cholera. Cet homme de religion est resté célèbre dans les annales pour avoir fait exécuter son guide arabe sur la base d’un simple soupçon.

Apres le  diner, à 9 heures, l’empereur est invité à une visite de la place du Quinconces, l’actuelle place Carnot,  En cette  belle soirée printanière  la place   éclairée par mille lanternes vénitiennes, offrait une image des plus féeriques. Elle est décorée par un imposant arc de triomphe construit à l’aide d’instruments agricoles et couvert de plantes et de produit agricoles du  terroir belabesien ;  L’empereur fait part de son admiration pour la nouvelle ville à  M. Villetard.  Il avoue  que sa surprise est grande devant cette ville élégante et moderne qui s’offrait à ses yeux. Il avoue qu’il était agréablement surprit par cette belle ville, bien propre, bien tenue, et qu’il était d’autant plus content, qu’il était loin de s’y attendre.

 

Napoléon-ville ou la baraka de Sidi bel Abbes ?

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 C’est alors que M. Besse ,Le juge de paix de la ville saisit l’occasion pour présenter  à   l’empereur, au nom de la population, représentée par un comité de onze notables qu’il présidait, une pétition d’accepter d’être désormais  le parrain de notre cité comme  et que le nom de Napoléon ville reste comme l’immortel souvenir de la visite de Votre Majesté).Humble , l’empereur  fait savoir à l’assistance  qu’il était peu disposée à changer les noms des villes mais qu’il daigne accorder que le nom de Napoléon fut ajouté à celui de Bel Abbés, qui désormais doit s’appeler Bel Abbés-Napoléon.

Mais miracle et baraka du saint Sidi bel Abbes el Bouzidi, jamais cette  décision de changement de nom  ne fut appliquée. Le nom arabe de Sidi bel Abbes s »imposa comme par miracle à la seule ville  française d’Algérie.

Le lendemain, à 7 heures du matin, après avoir remis 1000 francs au commissaire civil  de la ville, Villetard qu’il a chargé de distribuer  aux pauvres de la ville

Sur le chemin du retour vers Oran, l’empereur français s’arrêta quelques temps à Sidi Brahim , centre de colonisation européenne dépendant de Sidi bel Abbes. Il put constater les avancées de la colonisation. Constatant que le petit village projetait de construire une église, il fit remettre 1600 FR à l’adjoint municipal local pour la construction d’un clocher. Quelques kilomètres plus loin il fit une halte au nouveau centre de colonisation des Trembles  créé  une année auparavant par décret impérial.

Il reprit son chemin vers Oran l’empereur en songeant que son rêve de royaume arabe associant français et arabe a commencé à avoir un début de concrétisation dans le nouveau nom de la ville : Napoléon-ville-Sidi bel Abbes.

Il se trompait. Le saint Sidi bel Abbes el Bouzidi veillait. Juste avant sa mort en 1780, Sidi bel Abbes el Bouzidi avait eut une vision céleste, apocalyptique, une vision si terrible qu’elle  l’avait, durant un moment, transfiguré : la vision des massacres qui seront perpétrés par les hordes coloniales prés d’un siècle plus tard.

Par une de ces baraka dont seul le Ciel en a le secret, jamais le nom de Napoléon ne put remplacer ou même côtoyer le saint nom de Sidi bel Abbes el Bouzidi  et la ville de Sidi bel Abbes, la seule ville de création française, habitée par une population coloniale  ne put jamais se dévêtir de son nom arabe. N’est ce pas l’un des plus grands miracles du saint Sidi bel Abbes el Bouzidi ?

 

NB : Mon arrière grand père Mr Mohamed OTMANE-TANI   était chef des selleries chevauchées dans l’armé française en 1865 à Sidi-Bel-Abbès, il a été  décoré  parNapoléon III  Le 20 mai 1865  

 

 Par Mouard.T